Il s'agit d'un des travaux pour Projet Homère réalisé par moi-même.

Ce sujet provient au départ d'une discussion du forum où j'avais présenté la vidéo d'un chant byzantin dont la particularité était qu'il s'agissait d' une adaptation en grec homérique d'un hymne Pascal dont l'auteur était  St Nicodime ou Nicodime l'Hagiorite,  respectant non seulement le lexique, les formes linguistiques homériques mais aussi l'hexamètre comme dans l'Iliade.

Par la suite avec le texte de la Koinè, et ceci étant donné que le texte classique en vers iambiques était une découverte plus récente, j'avais effectué une adaptation en grec moderne et une traduction en français.  Au bas, du texte homérique on peut voir et écouter cette fameuse vidéo. Suite à cela, je donne aussi des explications sur le lexique homérique utilisé. Je présente également une brève biographie avec les principales oeuvres en grec de Nicodime l'Hagiorite.

Mon but est de montrer ici, les différentes formes du grec et certaines vérités ignorées sur notre langue. Il ne s'agit nullement d'une étude théologique sur le contenu du texte.

Avant de passer à l'étude de l'hymne de St Nicodyme, je tiens à préciser que le grec homérique est la forme la plus complexe, vu aussi qu'il s'agit d'un autre diaclecte que l'attique.  Malgré tout on peut en voir les traces en grec moderne.

Pour la démonstration je prendrai quelques petits exemples simples, mais il y en a des tas d'autres en réfléchissant.  je me limiterai ici sur des termes qui à priori donnent la fausse impression qu’il s’agit de racines disparues. Ex: «pierre « se dit en grec : πέτρα –λίθος - κοτρόνι - βράχος etc – chez Homère pierre se dit λᾶας or on retrouve toujours cette racine à travers :  λατομείο (mine) –λαξεύω (tailler la pierre)

Pareillement pour le terme «vêtement « que l’on dira -ρούχο, ενδυμασία or Homère parle de λώπος -aujourd’hui cette racine existe à travers -λωποδύτης- escamoteur, fripon –

Le terme «terre « se dit γη -γαία mais Homère parle de Άρουρα – or ce terme se retrouve dans–αρουραίος qui signifie « qui appartient au champ« rat de terre.

Passons à présent aux explications du texte homérique

Όφρα κε - ici il s’agit d’une conjonction de temps marquant la simultanéité. όφρα peut être accompagnée de κε comme c'est ici le cas -  Όφρα κε signifie « tant que – jusqu’à ce que» –Il existe aussi la forme όφρα μη - afin que.
Νωϊτέροισιν –on retrouve νωϊ – nous deux – ensemble
Ούασι –on retrouve ους de oreille – entendre –
Πάγχυ -ce terme m’a donné un peu de mal aussi mais il s’agit εντελώς, παντελώς complètement
Βάλωμεν – mettre
Θέσφατον – le terme est toujours présent - θέσφατο (θεός Dieu +φημί dire, croire ) commandement- parole qui doit être respectée
Ιμερόεσσαν – ce qu’on espère, désire
αγνήν Ευάγγελον – pur Evangile ( Saint Evangile)
όππα, = οπου
μειλίξωμεν = μείλιξις

μέγαν = se dit pareil sans le ν final = “grand”
ουρανίωνα – ουρανίωνες étaient les Dieux du ciel – on retrouve toujours ουρανός= ciel
Ιθυγενής. –droit -on retrouve cette racine ιθύς dans -ιθύγραμμος rectiligne qui deviendra –ευθύγραμμος -aujourd’hui on a en grec ιθύνω = guider - qui provient de cette même racine
σοφίη. Il s’agit de σοφία =sagesse

Aucune difficulté ici
Ευαγγελίοιο κλύωμεν.
Ειρήνη χαριεσσ’ επ’ απείρονα δήμον εσείται.
Εκ δ’ άρ’ Ιωάννοιο τόδ’ έστι βροντογόνοιο.

Ατρεμέσι = sans trembler, calmement – aujourd’hui on a le verbe τρέμω = trembler
Χρησμούς – χρησμός -> oracle
Λεύσωμεν -λεύσσω =voir, regarder – il existait aussi λεύς forme dorique de λᾶας = pierre

Εύτε = όταν lorsque
δή =particule qui peut se traduire différemment selon le cas – maintenant , déjà, dans peu, alors, certainement – δη existe toujours dans les formes και δη = και μάλιστα –et dans - κατά το δη λεγόμενον =κατά τη γνωστή φράση

ηέλιος = tout simplement ήλιος soleil
φαέθων = phaeton (se référer au mythe)
έσπερον = εσπέρα =soir
σκιόωντο on retrouve la racine de σκιάζω ombrager

πουλυβοτείρη = qui donne beaucoup de nourriture

Σαωτήρ = σωτήρας =sauveur
Κληϊσταί δε έσαν θυρίδες – on pourrait dire aujourd’hui - κλειστές ήταν οι θυρίδες - les portes étaient fermées
Πυκινώς = πυκνά =épais

Βλήντο de βάλλω mettre
Οχήες - τροφή -στήριγμα (nourriture- appui)
Ένθα =εκεί όπου
Ηγερέθοντο –ηγερέθομαι =συγκεντρώνομαι
Άναξ – seigneur, roi
Θεοειδέϊ = pareil à un Dieu
Αναφανδόν - se dit toujours pareil le terme est synonyme de φανερά =visiblement
Φά =είπε= il dit - en grec classique on dirait ἐφη
Ειρήνη υμίν φίλοι, - aucune difficulté ici pour traduire
Ερατεινή = adjectif ici au féminin toujours présent en grec moderne «complaisant, agréable «
Ειπών – de έπω dire
Επέδειξεν – aujourd’hui on a toujours le verbe επιδείχνω « exposer, montrer »
Πλευρήν – aujourd’hui on dira πλευρά «côté «
Χείρας – équivalent de χέρι main – mais χειρ en tant que racine est présent dans de très nombreux termes comme : χειρίζομαι , χειρομαντεία, χειροπιαστός, χειρολαβή etc etc…
Γήθησαν – du verbe γηθέω être content, heureux. On a toujours la racine de ce verbe à travers les termes γηθοσύνη gaité–γηθόσυνος comique
Ευρυμέδοντα – Ευρυμέδων (était un des surnoms de Poséidon et de Hermès synonyme de force, puissance)
(Είπεν ούν αυτοίς ο Ιησούς πάλιν…) – aucune difficulties ici

Ουρανοφοίτης = ουρανοβάμων
Προσέειπεν = répliqua
Πέμψε = du verbe πέμπω toujours présent en grec moderne synonyme de : στέλνω envoyer
Υπέρτατα = suprême - se dit toujours pareil, ici c’est au pluriel
Δώματα = pluriel de δώμα =pièce, chambre, habitation etc… de cette racine provient « dôme » . On a également δωμάτιο =chambre qui est un diminutif à l’origine de δώμα
Ναίει du verbe ναίω qui signifiait habiter mais on retrouve toujours la racine dans le terme ναός = temple - voila comment les racines se retrouvent
Υμέας = pronom 2eme personnel du pluriel à l’accusatif
χθόνα = χθων =terre, terrain
ευρυόδειαν = ευρυόδειος large- qui a de larges rues
δέχνυσθ = δεχτείτε (forme actuelle)= recevez
φαεσέμβροτον = qui éclaire les mortels
υψιθόωκον – assis sur un haut gradin
Ών = conjοnction ionique et dorique – le sens est “alors”
ατασθαλία – ce terme existe toujours – celui qui est irrégulier - qui commet un acte à l’encontre de la morale
θνητών = au singulier θνητός = mortel – le terme est toujours bien présent
επεσβολίας –επεσβολία =κακολογία (mauvaises paroles)
υπερφιάλων est l’équivalent aujourd’hui de αλαζονικά, με θράσος = effronté, insolent
αλυκτοπέδης = δεσμά άλυτα (chaines qui ne se dénouent pas)
σθεναρής = σθένος =force, résistance
(Θωμάς δέ, είς εκ τών δώδεκα…) aucune difficutés ici

Θωμάς δ’ ώ επίκλησις άπασι Δίδυμος ακούειν, (pas de difficulties ici)

Επίκλησις – επίκληση =invocation
Ουχ = όχι =non, ne pas
Μύσταις –aujourd’hui on dirait μύστες = initiés- on reconnait parfaitement le terme
Ομώροφος = συγκάτοικος - qui cohabite
έβη - du verbe βαίνω
είσω = à l’intérieur, dedans
μελάθροιο - aujourd’hui on a toujours - μέλαθρον = palais, demeure
Ίαχον –qui se dit - ιαχή = cri
Ούν - est un adverbe qui signifie αληθώς, πράγματι =vraiment, réellement
Ερίηρες = ceux qui sont ensemble ici ερίηρες εταίροι = les disciples
Είδομεν οφθαλμοίσιν Ιησούν παγκρατέοντα - Aucune difficulté sur cette phrase - παγκρατέοντα de πανγράτωρ soit παντοδύναμος = tout puissant

Απαμειβόμενος – forme homérique = il a dit, il a répondu
Ατειρής = ακάματος =inlassable

Ίχνια ήν μή ίδω μετά χείρεσιν ηλοτορήτης,
δάτυλον εμβάλλω τε εκείνου ένδοθι χειρός,
χείρα τ’ εμήν είσω πλευρής οί ρεία βαλοίμην, - aucune difficulté sur cette partie surtout en regardant mes notes précédentes

ούποτε =aujourd’hui on dirait - ουδέποτε – jamais
υμετέροισι –on a toujours -υμέτερος =à vous, qui appartient à vous
κεφαλή =tête - le terme est toujours bien présent
κατανεύσω – νεύμα –signe affirmatif – signal

Voici enfin ma traduction en français

 

jusqu’à ce que l’on soit capable (mur, apte) d’écouter (de porter l’oreille) au St Evangile implorons (sollicitons) le Seigneur – Notre Dieu Sagesse – droits Ecoutons le St Evangile Paix à tous Selon la lecture de l’évangile de ST Jean Πρόσχωμεν. – Portons notre attention sur le soir de ce jour là lors de la première semaine alors que les portes étaient closes (fermées) Là où étaient rassemblés les disciples car ils avaient la peur (des chefs) Juifs Jésus vint et se tint au milieu (d’eux) et leur dit La paix soit avec vous lorsqu’il leur a dit cela il montra ses mains et leur côté et les disciples furent remplis de joie parcequ’ils voyaient le Seigneur Jésus répliqua la paix soit avec vous comme mon père m’a envoyé moi aussi je vous envoie après avoir dit cela il a soufflé sur leur visage et leur ajouta Recevez l’esprit Saint ceux à qui voux escuserez les péchés seront pardonnés et ceux à qui vous ne les acquitterez pas resterons à charges Thomas l’un des douze (disciple) surnommé Didymos (Jumeau) n’était pas présent lors de la venue de Jésus les autres disciples lui dirent nous avons vu le Seigneur il leur répondit si je ne vois pas sur ses mains l’empreinte des clous et que je ne mets pas mon doigt dans la cicatrice des clous et que je ne mets point ma main de son côté je ne le croirai pas

Comme on peut le voir sur la brève biographie de Nicodime l’Hagiorite, il a vécu entre (1749 – 1809) c’est-à-dire à une époque bien éloignée chronologiquement de celle d’Homère (VIII siècle avant JC), cela ne l’a pas empêché de réaliser cette prouesse linguistique.

Les textes ecclésiastiques écrits en grec classique sont eux faciles à trouver puisque les pères de l’église parlaient le langage attique. Au départ avec le Vieux et Nouveau Testament qui étaient rédigés en grec de la Koinè, l’église utilisait la Koinè. Plus tard, à partir des trois Hiérarques le courant atticiste s’est imposé et la langue officielle de l’église était devenue le grec attique, c'est-à-dire le grec ancien. Les textes de Césarée sont parmi les premiers enseignés aux élèves Grecs de première année de Gymnase (Collège) avant l’apprentissage des grands classiques.